Le triomphe de la haine en politique !

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Les événements de 1968 étaient bien plus violents que les manifestations des gilets jaunes, mais sans la haine qui règne aujourd’hui.

Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin d’un côté, Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan et Laurent Wauquiez de l’autre, viennent de gagner une bataille : en ce début d’année 2019, la politique de la haine l’emporte. Elle comble leurs vœux de toujours, elle consacre leurs stratégies, elle suinte de partout. Depuis des décennies, l’extrême droite semait la haine contre la gauche, contre les immigrés, contre toutes les minorités d’ailleurs, contre les élites bien sûr, contre les gouvernements quelle que soit leur couleur. Pour la première fois depuis des décennies, la haine domine l’opinion. Le clan Le Pen a inoculé la haine politique dans l’esprit des Français. Dans son entreprise de fureur vengeresse et de vindicte féroce, il a pu compter sur le renfort d’abord marginal puis étoffé de Nicolas Dupont-Aignan, symbole de l’extrême droite bourgeoise, et même sur celui de Laurent Wauquiez, adepte du manichéisme intégral.

Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin peuvent symétriquement se réjouir. Eux aussi mènent depuis des années une politique revendiquée de la haine. Ils la prêchent, la pratiquent. Le tribun de toutes les outrances, de toutes les fractures, de toutes les menaces vit chaque jour son rêve éveillé d’insurrection citoyenne et de révolution introuvable. La haine qu’il infuse est, certes, plus éloquente et érudite que celle, primaire et instinctive, de Marine Le Pen. Les deux rivières, la rouge et la noire, confluent néanmoins pour former un fleuve puissant de haine collective.

Quant à François Ruffin, nul n’a pu oublier son apostrophe prémonitoire à Emmanuel Macron «je vous hais, je vous hais, je vous hais !»récemment renouvelée dans Libération [mise à jour: François Ruffin n’a jamais prononcé une telle phrase, mais plutôt «vous êtes haï»,notamment dans sa tribune Lettre ouverte à un président haï (bis) publiée par Libération fin novembre 2018, ndlr]. François Ruffin est d’ailleurs peut-être le plus brillant professeur de haine. Dans un gouvernement Mélenchon, il pourrait être «ministre de la Haine».

Depuis la naissance du mouvement des gilets jaunes, on ne cesse de débattre sur les violences de fin de manifestation. La violence des mouvements sociaux et culturels n’a rien d’original. C’est même une banalité et presque un rite. Depuis le début de la Ve République, de nombreuses manifestations ont été entachées par des violences de fin de cortèges, par des déprédations, des agressions, des incendies, des destructions et parfois des pillages. Ces débordements toujours regrettés par la grande majorité des manifestants, sont aussi répréhensibles que classiques et même inévitables. Aucun gouvernement n’a d’ailleurs découvert la parade absolue.

Mai 1968, pour ne prendre que l’exemple le plus célèbre, a été bien plus violent que ce qui se passe aujourd’hui, mettant en lisse des effectifs de manifestants sans aucune mesure avec ceux des gilets jaunes. 1968 était violent mais 1968 n’était pas haineux. La nouveauté, la différence, la spécificité de la période actuelle, ce n’est pas la violence mais c’est la haine et, pire, la haine générale.

Car la haine, on la retrouve aussi bien dans les propos méprisants et caricaturaux de ceux qui gouvernent que dans les invectives et les menaces des gilets jaunes qui se déchaînent à travers les réseaux sociaux et se livrent même à une sorte de compétition à qui sera le plus radical, le plus excessif, le plus provocateur. Cela vaut contre Emmanuel Macron et le gouvernement, contre les élus de la majorité et les journalistes, contre les privilégiés et, comble de tout, contre d’autres gilets jaunes présumés modérés. Ici, la banalité de la violence s’efface derrière la virulence de la haine. Celle-ci se généralise d’ailleurs avec l’agressivité des citadins périphériques contre les citadins métropolitains, de la France qui souffre et qui désespère contre la France qui réussit et qui avance.

L’empire actuel de la haine ressuscite des frontières de classe et de caste, parfois estompées depuis longtemps. La France se divise derechef entre partisans de l’ordre et militants de la contestation qui se dévisagent durement. La haine investit tous les partis, submerge les territoires, enjambe les idéologies. Voilà la France plongée une fois de plus dans l’une de ces tornades subites, irrésistibles, qui l’envahissent durant quelques semaines ou quelques mois avant de retomber et de s’épuiser, parfois dans l’échec, l’amertume et le ressentiment, parfois en célébrant une avancée sociale ou une alternance politique.

Cette fois-ci, une colère classique (le prix du carburant) s’est métamorphosée en protestation sociale (le pouvoir d’achat), puis en revendication politique (la nostalgie de la démocratie directe). Avec deux originalités : une confrontation théâtrale et dangereuse tous les samedis, suivie par six jours de vie ordinaire et presque routinière. En somme, une fièvre hebdomadaire découplée d’un étrange et presque irréel retour au calme. Et puis, cet acide de la haine qui ronge la démocratie et submerge soudain une société politique décomposée, déstructurée, instable, fragile, imprévisible. La haine antique ressurgissant dans la France trébuchante du XXIe siècle. Sous la modernité, la haine.

Alain Duhamel

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